LE 25 JUIN DERNIER, À LA CITÉ FERTILE, L’ASSOCIATION WILD LEGAL ORGANISAIT LA FINALE DE LA TROISIÈME ÉDITION DE SES PROCÈS-SIMULÉS PORTANT CETTE ANNÉE SUR LE DRAME ÉCOLOGIQUE DE L’ÉLEVAGE INTENSIF ET DES MARÉES VERTES EN BRETAGNE.
Notre ambition : élaborer, enseigner et pratiquer de nouvelles théories juridiques pour faire naître une future génération d’avocats et transformer profondément notre droit pour faire émerger, en France, la reconnaissance des droits de la Nature.
Ce procès est l’aboutissement d’un an de travail et de collaboration entre étudiants en droit, les associations partenaires L214 et Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre ainsi que des experts au sein du programme Wild Legal. Les étudiant-es inscrit-es au programme ont dans un premier temps rédigé les conclusions écrites en attaque -représentant les associations partenaires- et en défense, représentant les exploitations agricoles et la coopérative visée par le procès. Puis les étudiant-es se sont formé-es à l’art de la plaidoirie, affutant leurs meilleurs arguments durant un tournoi qui les a opposés en équipe, pour aboutir à la sélection des meilleurs plaideurs. Ce sont ces finalistes que vous découvrirez dans l’événement public du procès simulé.
Lyslou Gailhaguet, Jordan Silva-Conin et Raphaël Cartagena, avocat.es des associations L214 et Sauvegarde du Trégor Göelo Penthièvre, ont demandé réparation aux parties défenderesses, représentées par leurs avocates Myriam Prévot et Chloé De Jonckheere, pour la violation des droits des animaux, le préjudice écologique subi par le fleuve du Gouessant et son écosystème et pour les dommages des riverains.
Pédagogique et exploratoire, cet événement propose de découvrir les controverses et les enjeux autour de la question des droits fondamentaux des animaux et des écosystèmes aujourd’hui menacés par les activités agro-industrielles.
LA PARTICULARITÉ DE CE PROCÈS ?
À l'appui de leur raisonnement juridique, les étudiant·es disposent d’un dossier complet de pièces, collectées par les associations partenaires. La consigne qui leur est donnée est d’utiliser à la fois le droit actuel pour résoudre cette affaire, mais aussi :
de défendre les droits du fleuve breton Gouessant, en proposant aux juges une lecture extensive du préjudice écologique en intégrant la reconnaissance des droits de la Nature.
de faire usage d’un texte de droit prospectif - un document fictif écrit par l’association elle-même - à savoir la Charte de l’environnement à laquelle l’association a ajouté un nouvel article définissant les droits fondamentaux des animaux.
Aujourd’hui, la Charte de l'environnement est un texte à valeur constitutionnelle adossé à la Constitution française. Malgré son nom, elle est anthropocentrée et tournée essentiellement vers les êtres humains.
Afin d'en proposer une version "améliorée", nous y avons inscrit de nouveaux droits et une nouvelle lecture dans le Préambule et dans l’article 2. Pour cela, nous nous sommes inspirés de la Déclaration Universelle des Droits des Animaux (1978) et des 5 libertés fondamentales de l’Organisation Mondiale de la Santé Animale. Cette dernière, auquel se réfère le ministère de l'Agriculture, a en effet défini les libertés qui devraient être reconnues aux animaux pour préserver leur bien-être et leur santé.
Dans le Préambule, afin de résumer l’objectif et la philosophie du texte tel qu’il devrait être, Wild Legal a ajouté :
« Tous les êtres vivants ont une origine commune et se sont différenciés au cours de l’évolution des espèces.
Tous les êtres vivants possèdent des droits naturels.
La coexistence des espèces dans le monde implique la reconnaissance par l’espèce humaine du droit à l’existence des autres espèces.
L’adaptation aux équilibres naturels a conditionné l’émergence de l’humanité. »
De plus, Wild Legal a proposé une réécriture d’une phrase extrêmement anthropocentrée contenue dans la Charte actuelle, qui reconnaît que tout ce qui est présent sur Terre est là pour nous servir à nous, humains : « L’environnement est le patrimoine commun des êtres humains ». Wild Legal a proposé la réécriture suivante : « La Nature et l’ensemble des entités qui la composent sont l’héritage commun des êtres vivants. »
En outre, le nouvel article 2 est ainsi réécrit : « Tout animal a le droit au respect de ses libertés fondamentales, de ne pas souffrir de la faim ou de la soif, le droit d’évoluer dans un environnement respectueux de ses exigences biologiques, le droit de pouvoir exprimer ses comportements naturels propres à son espèce, et le droit de ne pas se voir infliger des souffrances psychologiques ou des traitements susceptibles de causer des souffrances ou des dommages affectant sa santé ou son bien-être sur le long terme. »
Ces prescriptions semblent évidentes et pourtant elles n’en restent pas moins fictives.
Nous pensons que réussir à modifier la Constitution serait un premier pas pour faire ruisseler sur l’ensemble des textes existants nos propositions en matière de droits fondamentaux des animaux.
L'ensemble des propositions de révision des textes juridiques, portées par Wild Legal et les associations partenaires, sont accessibles sur notre site.
L'ambition du procès simulé : démontrer l’impact qu’aurait la reconnaissance des droits des animaux et de la nature pour rendre justice aux vivants, victimes des exploitations agricoles intensives et de leur modèle incompatible avec les limites planétaires.
NOS EXPERTS
Préalablement à l’ouverture des plaidoiries, des experts se sont relayés pour présenter le contexte et expliquer les enjeux des marées vertes et de l’élevage intensif :
Caroline Dubois, fondatrice du refuge GroinGroin et spécialiste du comportement des cochons et de leurs besoins.
Anne Vonesch, membre du directoire agriculture de France Nature Environnement, membre du groupe de dialogue civil sur les productions animales auprès de la Commission européenne, co-fondatrice du Collectif Plein Air et auteure de « L’empathie racontée au monde de l’élevage ».
Jean-Yves Piriou, chercheur en environnement littoral à l'Ifremer de Brest - Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer.
Pierre Philippe, médecin urgentiste et premier lanceur d’alerte à diagnostiquer les effets toxiques des marées vertes.
LES COCHONS D'ÉLEVAGES, OBJETS DE PRODUCTION OU SUJETS DE DROITS
En droit français, les animaux sont considérés comme “des êtres vivants doués de sensibilité […] soumis au régime des biens.” Un régime qui permet aux humains de les exploiter, de les vendre ou de les tuer pour en faire commerce.
“On ne parle jamais des cochons pour ce qu’ils sont, mais pour ce qu’ils produisent pour les humains.” Caroline Dubois, fondatrice du refuge Groingroin.
Le code rural prévoit que chaque animal doit être placé dans des conditions compatibles avec ses exigences biologiques et pourtant, la science et les professionnels comme Caroline Dubois qui travaille au contact des ces animaux peuvent témoigner.
“Aujourd’hui, 95% des porcs sont enfermés dans des élevages intensifs, sans accès à la lumière, vivants sur un sol bétonné sans accès à la litière. Des cochons qui font en moyenne 100 kg ont 1 m² par individu.” Caroline Dubois. Ces conditions d'existence sont tout sauf compatibles avec les besoins biologiques des cochons.
Mais alors, cette situation serait-elle alors tout simplement illégale ?
Non, et c’est bien le paradoxe que détaille Anne Vonesch. Les meilleures techniques disponibles - “MTD” définies dans les textes européens établissent les prescriptions techniques pour les élevages. “Actuellement, les MTD sont une liste, un menu au choix pour l’éleveur qui peut choisir ce qui est le moins contraignant pour lui”, souligne Anne Vonesch qui souligne aussi que grâce à une révision de la directive européenne concernée cela pourrait évoluer.
“Quel est le problème avec ces MTD ? L’absence totale de prise en compte du bien-être animal. Les pires des systèmes ont tous leurs MTD : cages, caillebotis intégral, forte densité peuvent être autorisés parce qu’ils ont leurs MTD“ met en lumière Anne Vonesch. Les MTD peuvent avoir des effets délétères, comme celui qui, dans le cadre du principe général de réduction des émissions, énonce qu’il faut réduire les surfaces d’échange (les surfaces de lisier en contact avec l’air). C’est pernicieux, parce que moins il y aura de surface, moins il y aura d’émission, ce qui permettra aux éleveurs de justifier d'augmenter le nombre de porcs par m², en diminuant leur espace vital.
Cette disposition et d’autres textes européens et nationaux s’appliquent directement aux élevages porcins et occultent complètement l’obligation théorique de respecter les besoins essentiels des animaux.
Le respect des droits fondamentaux des animaux apparaissent donc un lointain horizon pour les cochons victimes du modèle agricole intensif.
Anne Vonesch ajoute, concernant les NEA-MTD (les niveaux d’émissions associées aux MTD) “les seuils acceptables d’émission sont définis par place d’animal. Donc on ne fait jamais la somme, ce qui fait qu’on peut autoriser de très grands élevages pourvus que les émissions par animal soient [respectées]”. En outre, aucune règle n’impose de procéder à “la somme des émissions [des exploitations] dans un territoire, donc la concentration géographique des élevages est tout à fait autorisable”. Elle attire également notre attention sur le fait qu’il existe un problème similaire pour l’étiquetage environnemental. Si le calcul de l’empreinte carbone est effectué “par kilo de produit ou par litre de lait (...), cela ne tient pas compte des impacts sur le territoire.” Or, si on calcule l’impact par hectare, ou par territoire, le résultat obtenu indique qu’il faut privilégier l’agriculture biologique et extensive plutôt que l’agriculture intensive.
LES ALGUES VERTES, UN SCANDALE SANITAIRE ET ÉCOLOGIQUE Les algues vertes se forment en présence de taux de nitrate et de phosphore suffisamment importants, dans une eau claire et peu profonde, sur une plage étendue à faible pente.
En baie de Saint-Brieuc où ces conditions sont réunies, ainsi que d’autres endroits en Bretagne où l’on assiste à une prolifération d’amas d’algues vertes sur les plages, on constate également une arrivée directe de nitrate par la rivière attenante.
Ce nitrate est émis par les élevages intensifs de porcs, ultra présents dans la région. Or, ces algues vertes qui s’accumulent sur certaines plages représentent un réel danger qui peut s’avérer mortel pour les promeneurs, les animaux et tout un écosystème.
POURQUOI SONT-ELLES DANGEREUSES ?
« L’hydrogène sulfuré est l’un des gaz les plus mortels qui puissent exister. » Pierre Philippe, médecin urgentiste à l’hôpital de Lannion. Les algues vertes émettent de l’hydrogène sulfuré. C’est un gaz plus lourd que l’air qui empêche l’assimilation d’oxygène par les cellules. Sous l’effet de la chaleur, une pellicule protectrice se forme sur les tas d’algues vertes, qui prennent alors une couleur sombre tirant sur le noir. Lorsqu’un promeneur ou un animal tel qu’un chien, un cheval ou un sanglier touche cette pellicule, elle se perce et les accidents mortels se produisent.
« Si les hommes sont atteints, c’est toute la chaîne du vivant qui est atteinte. » Yves-Marie Le Lay, président de l'association Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre.
De 1988 à 2019, Pierre Philippe, médecin urgentiste à l’hôpital de Lannion, diagnostique l’impact des algues vertes sur la santé humaine. En 1989, lors d’une garde aux urgences, arrive le corps d’un joggeur de 26 ans porté disparu lors d’un footing sur la plage de Saint-Michel-En-Grève. Son corps a été retrouvé au sein d’un amas d’algues vertes qui faisait à peu près 1 mètre d'épaisseur. En 1999, parce qu’il y avait un ramassage d’algues organisé du fait de la nuisance olfactive sur la plage (une forte odeur d’œuf pourri), un ouvrier qui ramassait les algues vertes a fait au volant de son camion un "état de mal convulsif" c’est-à-dire une perte de connaissance accompagnée de convulsions. Il n’avait pas d’antécédents particuliers. Cela a eu lieu sur la même plage que le joggeur 10 ans auparavant.
En 2009, un cavalier se promène sur la même plage. Son cheval s’enfonce dans un amas d’algues vertes jusqu’au garrot. Il meurt devant ses yeux en moins d’une minute. Le cavalier fait un état de mal convulsif, comme l’ouvrier. L’autopsie du cheval révèle des taux d’hydrogène sulfuré très importants (le gaz émis par les algues vertes) et un œdème pulmonaire sans autre anomalie.
En 2008, deux chiens décèdent sur une plage envahie d’algues vertes, simultanément. On détecte un œdème pulmonaire sans malformation sous-jacente, ce qui est souvent lié à une inhalation de vapeurs toxiques.
En 2011, trente-six sangliers, deux ragondins et un blaireau sont retrouvés morts dans la même zone.
Entre 1999 et 2016, des accidents similaires surviennent. Selon toute vraisemblance, d’autres se sont produits sans avoir été signalés.
Or, il existe un lien de cause à conséquence entre les élevages intensifs de cochons en Bretagne, qui déversent des taux très élevés de nitrate dans les rivières, et la prolifération des algues vertes sur les plages, dont le danger pour les humains et non-humains a déjà été mis en évidence.
« Merci à Wild Legal de parler des algues vertes, parce que depuis 50 ans, tout l’objectif des pouvoirs publics a été de ne surtout pas en parler. C’est le travail des associations qui a permis de mettre en avant le danger des marées vertes. » Yves-Marie Le Lay.
QUE PEUT FAIRE LE DROIT ?
Le droit de l’environnement actuel est inefficace à défendre les hommes et les autres animaux. Malgré différents textes, notamment les “Plan algues vertes” et la “directive nitrate”, la prolifération des algues vertes a perduré depuis les années 1970 en Bretagne. L’Etat français a même été condamné à deux reprises pour carence fautive et depuis, les rapports accablants s’accumulent comme le récent rapport de la Cour des comptes (2021).
Les élevages intensifs ont continué de répandre des taux de nitrates extrêmement élevés dans les rivières et le droit s’est montré incapable d’assurer la garantie des droits fondamentaux du droit à la santé et à l’intégrité des animaux d’élevage, les droits du fleuve Gouessant et des écosystèmes aquatiques bretons pollués par ces effluents ainsi que les droits des habitants humains directement impactés eux aussi par ce scandale sanitaire et écologique.
La violation des droits des animaux
Lyslou Gailhaguet ouvrait la plaidoirie en déclarant : “aujourd'hui, les trois petits cochons seront des millions et le grand méchant loup correspondra à deux exploitants et une coopérative qui par leur souffle détruisent l’environnement naturel de ces animaux et les exploitent”.
La violation des droits de ces cochons se caractérise par des conditions d’élevage allant à l'encontre de leur sensibilité, pourtant reconnue par notre droit. Selon l’argumentaire, les préjudices moraux et physiques subis par ces animaux doivent être réparés au titre de l’article 1240 du Code civil qui dispose que toute personne qui cause à autrui un dommage doit le réparer.
Lyslou Gailhaguet, s'appuyant sur la Charte de l'environnement proposée par Wild Legal, soutient que ces animaux titulaires de droits fondamentaux et disposant du statut d'êtres vivants peuvent ainsi être considérés comme “autrui” et peuvent donc de facto bénéficier d'une réparation de leur préjudice individuel.
L'avocate souligne également le rôle de la coopérative agricole. "Cette coopérative elle regroupe des agriculteurs adhérents qu'elle dirige, elle leur impose ce qu'il faut produire, vendre, acheter. Son objectif : faire un maximum de bénéfices". En raison de son rôle systémique, elle a donc participé directement à causer ce préjudice autrui, personnes non-humaines que sont les porcs d'élevage.
C’est pourquoi il était demandé aux juges d’ordonner à la coopérative et aux agriculteurs concernés de placer en sanctuaire tous les porcs d’élevage ayant subi une atteinte à leur intégrité et de prendre sans délai toute mesure visant à faire cesser cette production intensive.
Le préjudice écologique
De plus, les avocats des associations ont proposé au juge une lecture extensive de la protection de l’environnement, qui implique l’utilisation de la théorie des droits de la Nature pour protéger le fleuve Gouessant, impacté massivement par les algues vertes.
Jordan Silva-Conin a ainsi plaidé pour le préjudice écologique subi par le fleuve du Gouessant. Défini à l’article 1247 du Code civil, celui-ci impose l'existence d’une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes. Le respect de cette condition ne fait aucun doute pour l’avocat.
Les exploitations agricoles seraient responsables de ce préjudice, car en agrandissant toujours plus leur cheptel, elles n’auraient pas adopté le comportement légitimement attendu de la part d’une personne raisonnable.
Le lien de causalité est certain, en effet, dans un récent rapport le Centre d'Étude de Valorisation des Algues (CEVA) a établi que 95 à 98% des nitrates dans l’eau des bassins versants bretons sont d’origine agricole.
Pour demander la reconnaissance des droits du fleuve Gouessant, Jordan Silva-Conin souligne que l'obligation qui s'impose à toute personne de réparer le préjudice écologique dont elle est à l'origine, suppose également un droit de cet écosystème à ne pas en être la victime. Il rappelle que notre droit conçoit ainsi implicitement de nombreux droits découlant d'obligations humaines. C'est le cas de l'article L211-1 du code de l'environnement qui prévoit "une gestion équilibrée de la ressource en eau, qui suppose de lutter contre la pollution, de préserver l'eau et d'assurer le libre écoulement des eaux.
"Mais pensez vous qu'une gestion équilibrée est possible lorsque vous avez d'une part des acteurs qui sont reconnus juridiquement, qui peuvent prélever sur ce fleuve, et d'autre part, un fleuve sans visage ni voix, qui ne peut que subir la violation de ses droits", dit Jordan Silva-Conin. Il poursuit :"alors, ce qui vous est demandé ici, ce n'est pas de créer ex nihilo une personnalité juridique, mais bel et bien de rétablir cet équilibre et de tirer les conséquences du statut d'héritage commun de la nation que revêtent tous les cours d'eau et donc le fleuve Gouessant".
Il est demandé aux juges de reconnaitre le préjudice écologique d'ordonner la remise en état de l'écosystème, mais également de révéler la personnalité juridique et les droits du Gouessant et d'ordonner la création d’un conseil des gardiens du fleuve afin de lui permettre d'être représenté juridiquement.
L’impact direct sur les riverains
Au-delà des effets néfastes des excès azotés sur l’écosystème, ce sont les riverains qui sont directement impactés par les marées vertes, comme le rappelait Raphaël Cartagena. C’est pourquoi il a demandé, au nom de l’association Sauvegarde du Trégor, réparation au profit de riverains sur le fondement d’un préjudice personnel de jouissance, en raison de la privation d’accès aux plages, et sur le fondement du trouble anormal de voisinage au vu de leur préjudice olfactif, sanitaire et moral.
Les arguments de la défense
En face, les avocates des parties défenderesses ont invité les juges à débouter les requérants de l’ensemble de leurs demandes, comme irrecevables. En effet, Myriam Prévot et Chloé De Jonckheere soulignaient l’absence de preuve autorisant à incriminer directement leurs clients.
Pour elles, les associations n'ont pu démontrer ni le lien de causalité entre les activités agricoles de leurs clients et les marées vertes ni l’existence de la moindre faute de la part des exploitations et de la coopérative.
Par ailleurs, parce qu’il ne peut pas se prononcer par voie réglementaire et générale, les avocates soutiennent que le juge n'aurait pas le pouvoir d’attribuer une personnalité juridique au fleuve, d’autant plus que celle-ci serait, selon elles, inutile et dangereuse. Finalement, pour les défenderesses, ce procès n’a rien de juridique. Il s’agit d’un procès politique qui n’a pas sa place devant le juge judiciaire. Une affaire qui relève de la mobilisation politique.
La conclusion
A l’issue des plaidoiries, les membres du tribunal judiciaire fictif, maître Marie-Bénédicte Desvallon, avocate en Droit de l'environnement et Droit animalier et lauréate du Prix de Droit décerné par la Fondation Droit, Animal, Éthique et Sciences, Alain Bressy, ancien juge d’instruction, président de chambre correctionnelle et juge d’application des peines, spécialisé en droit pénal de l’environnement et Valéry Turcey, magistrat à la Cour de cassation, ont salué la qualité des travaux, l’intérêt et l’opportunité de ce procès simulé.
Malgré le fait qu’ils aient estimé que, si ce procès avait lieu aujourd’hui dans le monde réel, la balance pencherait plutôt du côté de la défense en raison de la difficulté d'apporter des preuves du dommage, la présidente du tribunal, Madame Desvallon, a rappelé que s’agissant du statut juridique de l’animal, nous sommes aujourd'hui à un “stade de rupture où il est urgent de réfléchir à un statut juridique propre à l’animal”. En outre, elle a encouragé à l’action en soulignant que “l’immobilisme n’a pas sa place au vu des enjeux” en relevant que "plusieurs feux sont au vert pour voir des actions se multiplier et pour la prise en considération de ces dossiers par les tribunaux”.
Soulignant l'attachement du juge à la qualité de la preuve, Alain Bressy partage avec le sourire : "Les dispositions de la Charte de l'environnement on peut espérer qu'elles vont évoluer. D'ailleurs, quand nous avons reçu les conclusions, je me suis dit, je suis en retard d'une guerre, la Charte de l'environnement a été modifiée ? Honnêtement, on y a cru".
Pour conclure, Valéry Turcey souligne "qu'à l'évidence la question de la souffrance animale et du droit pour les animaux de faire respecter un certain nombre de règles était une question qui n'intéressait personne il y a 20 ou 30 ans... A part des pensées philosophiques comme celles du docteur Schweitzer, les juristes ne s'étaient pas tellement intéressés à ça et on sent que cette préoccupation est en train d'émerger".
“On est confronté ici à la balance entre un droit prospectif et un droit destructif. L’objet de ce procès c’était bien les êtres vivants en général, dans lesquels nous sommes aussi intégrés. Ce qui est dommage c’est qu’aujourd’hui le droit est encore destructif du vivant.” Yves-Marie Le Lay. "On le voit dans ce procès de petites évolutions juridiques pourraient avoir de grandes conséquences, c'est le fameux battement d'ailes du papillon" partage Brigitte Gothière.
Afin de clôturer ce procès-simulé, Marine Calmet, présidente de Wild Legal a rappelé l’objectif de cette journée qui n’était pas de pointer du doigt une ou deux personnes ou exploitations, mais de démontrer qu’il s’agit d’un cadre systémique, et ainsi de présenter un cas d’école. Wild Legal va continuer à mener ce combat aux côtés des associations, “c’est un exercice qui va devenir réalité, c’est ça qui est intéressant, nous n'en sommes qu'au début”, conclut la présidente de l’association.
Vous retrouverez toutes les propositions portées par Wild Legal pour ce combat sur notre site internet.
Pour toute prise de contact ou question : contact@wildlegal.eu
Revoir le procès simulé
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