Un procès simulé pour défendre l'Océan
Wild Legal organise un sixième-procès simulé portant cette année sur un cas emblématique : l’abattage des requins tigres et bouledogues à La Réunion. Cette affaire incarne les tensions entre la garantie de la sécurité humaine et la protection des écosystèmes marins. Elle met une fois de plus en lumière la nécessité d'intégrer les droits de la Nature dans le droit français, une démarche innovante qui pourrait ouvrir la voie à une meilleure prise en compte des besoins des écosystèmes dans les décisions publiques.
Ce procès simulé est organisé en partenariat avec les associations Longitude 181 et à l’association réunionnaise Vagues, qui luttent depuis des années contre la destruction “préventive” des Requins sur l’île.
Rappel des faits : une gestion controversée des attaques de requins
Une série d'incidents dramatiques ont eu lieu à La Réunion. Suite à 25 attaques de requins dont 11 mortelles, les autorités administratives ont instauré des programmes d'abattage ciblant à titre principal les requins tigres et bouledogues. Entre 2014 et 2024, ces programmes ont entraîné l'élimination de plus de 750 requins, dont 185 bouledogues et 567 tigres, ayant un impact majeur sur la biodiversité de la Réserve Naturelle Marine de l'île.
Ces opérations ont très tôt été critiquées par les scientifiques locaux car les techniques déployées sur le littoral conduisent à la capture et à la mort d'entités marines non ciblées. Ces captures dites “accessoires” incluent des espèces comme le Requin-marteau halicorne et le Requin-taupe bleu, classées en danger critique d'extinction par l’Union Internationale de Conservation de la Nature, ainsi que d'autres espèces protégées telles que la tortue verte et la grande raie guitare.
Les enjeux juridiques de la reconnaissance des droits de l'Océan
L’enjeu du procès simulé consistera à questionner la responsabilité de l'État face au préjudice écologique subit par le milieu marin. Les participant.es devront élaborer des arguments juridiques basés à la fois sur le droit existant, mais également intégrer à leurs travaux les principes des droits de la Nature. Une doctrine déjà applicable dans plusieurs ordres juridiques étrangers, mais encore latente en droit français.
En effet, quand bien même les articles 1246 à 1252 du Code civil français reconnaissent le préjudice écologique et ouvrent la voie à la réparation des atteintes non négligeables causées à l’environnement, ils ne vont pas jusqu’à transformer le statut juridique de la Nature, qui reste un “objet” en droit. Il y a donc un vrai défi à démontrer que les écosystèmes et les espèces sauvages ne peuvent et ne doivent plus répondre à cette catégorie juridique empruntée aux conceptions anthropocentriques des relations et que la bascule vers un ordre juridique écocentrique est autant souhaitable que réalisable.
Le droit comparé au service de la reconnaissance des droits de la Nature
Pour défendre la reconnaissance de la personnalité juridique de l'Océan et des espèces marines, les équipes pourront se tourner vers des exemples de droit comparé. La jurisprudence de la Cour suprême d'Équateur est à cet égard un modèle. Dans l'affaire Los Cedros de 2021, les juges ont développé un principe du "seuil de tolérance écologique" pour déterminer qu'au-delà d'un certain seuil, les activités humaines compromettent irrémédiablement la capacité de régénération des milieux de vie et violent les droits de la nature.
D'autres jurisprudences, lois et actions juridiques menées à travers le monde illustrent ainsi la richesse des stratégies légales possibles pour réinventer une cohabitation apaisée et juste avec le milieu marin.
Pour retrouver nos travaux à ce sujet : Fascicule pour les droits de l'Océan
Conclusion : Une avancée nécessaire vers une justice écologique
L’affaire des requins à La Réunion montre combien il est crucial de reconsidérer notre relation à la Nature et de doter les écosystèmes de nouveaux statuts juridiques. Grâce à l'implication des étudiant.es, scientifiques et coach-experts, l’association espère encourager un changement législatif durable. Ce procès simulé ne se limitera donc pas à un simple exercice académique. Il incubera un futur recours devant la juridiction administrative française par les associations partenaires et il constituera un support pour encourager la reconnaissance des droits de l’Océan lors de la prochaine Conférence des Nations-Unies UNOC dédiée à cet écosystème en juin 2025 à Nice.
Ce type de simulation juridique contribue à former une nouvelle génération de juristes et de citoyen-nes prêt-es à porter ces idées devant les tribunaux et à participer activement à un mouvement de transition juridique pour la reconnaissance des droits de la Nature. C'est un appel à l'action pour toutes celles et ceux qui croient en la nécessité de protéger l'environnement au-delà des seuls intérêts humains, pour le bénéfice des générations futures et de la planète elle-même.
Pour toutes informations sur le cadre du programme et les inscriptions (ouvertes du 1er octobre au 31 décembre 2024), cliquez ici.
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