Dimanche 15 septembre 2024, une foule s’est rassemblée dans la salle de l’Orangerie du Musée Carnavalet - Histoire de Paris pour un événement unique en son genre : le premier procès fictif pour les droits fondamentaux de la Seine. Co-organisée par notre association, Wild Legal, et le collectif des Gardien.ne.s de la Seine, cette performance mêlant art et droit a vu la déesse Sequana, protectrice du fleuve, porter plainte contre les nombreuses violations de ses droits.
Matinée d'Ateliers : Art et Droits de la Nature
La journée a débuté avec deux ateliers inspirants. Le premier, animé par l’artiste plasticien Yan Tomaszewski, a permis aux participants de créer des ex-votos en argile, s’inspirant des offrandes dédiées à Sequana, la déesse de la Seine, afin de demander guérison. Ces statuettes, basées sur celles retrouvées au bassin sacré des sources de la Seine, ont ravivé des rituels antiques sous une forme contemporaine, où l'art devient un support de connexion spirituelle avec la Nature.
Le deuxième atelier, co-animé par Marine Calmet, présidente de Wild Legal, et Louis Augereau, facilitateur graphique, proposait une réflexion autour de la Déclaration des Droits de la Seine. Ce texte, rédigé par le collectif des Gardien.ne.s de la Seine, a inspiré les participants à créer des symboles visuels pour représenter les droits du fleuve. La Déclaration des Droits de l'Homme, exposée au musée, a servi de source d’inspiration pour ces échanges, qui ont donné lieu à des discussions profondes sur la place de la nature dans notre société.
Ces ateliers ont été un moment d’échange et de créativité, et nous remercions tous les participants pour leur engagement.
L'Après-Midi : Le Grand Procès de Défense de la Seine
« L’artificialisation des sols empêche l’eau de s’infiltrer. Le béton étouffe les pores et bouche les artères de la Seine ! » avocate de Sequana
L’après-midi a marqué le point culminant de la journée avec la tenue d’un procès fictif d’envergure. Sequana, personnification du fleuve, était la plaignante dans une affaire accusant entreprises, citoyens et collectivités de porter atteinte aux droits fondamentaux de la Seine. Une scénographie immersive, imaginée par Yan Tomaszewski, incorporait des pièces de sa collection personnelle d’ex-voto ainsi qu’un vitrail représentant un saint sauroctone terrassant une hydre. Cette hydre n’était pas une simple créature mythologique, mais une représentation symbolique de la Seine canalisée, une force sauvage à maîtriser, plutôt qu'une entité naturelle à respecter. Ces pièces artistiques se sont transformées en véritables preuves à charge, exposant les attaques environnementales dont la Seine est victime.
La parole a été donnée à plusieurs intervenants, dont Jérémy Jacob, scientifique du CNRS, qui a fourni une analyse détaillée des substances toxiques retrouvées dans un ex voto en charbon actif immergé pendant plusieurs semaines dans la Seine. Abela, du collectif des Soulèvements de la Terre, a ensuite dénoncé la bétonisation des rives, en particulier pour le projet Greendock (dont nous vous parlions dans un précédent article).
En tant qu’avocate de Sequana, Marine Calmet a défendu la Seine devant un panel de magistrats engagés : Florentin Fesnin, Christophe Mandereau et Séverine Delbosq, représentant respectivement les citoyen.ne.s, les entreprises et les villes. Chaque magistrat a pu formaliser des propositions concrètes pour reconnaître les droits de la Seine. Après une délibération sans appel, la Cour a tranché en faveur de la Seine, reconnaissant la violation de ses droits, en particulier ceux liés à sa sécurité et à la santé de son écosystème.
L'Art et le Droit pour Changer les Imaginaires
Ce verdict, bien que fictif, s'inscrit dans un mouvement mondial visant à reconnaître les droits des entités naturelles. Partout dans le monde, des écosystèmes tels que le fleuve Atrato en Colombie ou la lagune de la Mar Menor en Espagne ont vu leurs droits légalement reconnus. Ce procès nous rappelle que la Seine, tout comme d’autres cours d’eau, doit être protégée comme une entité ayant des droits propres.
Ce procès s'inscrit dans une série d'événements visant à sensibiliser et à mobiliser le public autour des droits de la Seine. Notre objectif est clair : transformer notre rapport à la Nature en construisant une société où le respect des droits de la nature est une évidence. Nous espérons que cette journée aura marqué un tournant dans la prise de conscience collective et nous vous invitons à rejoindre notre mouvement pour la défense de la Seine. Ensemble, nous pouvons réinventer notre relation avec nos fleuves et participer à une justice écologique. Le temps de la Seine est venu.
Nous tenons à remercier le Musée Carnavalet pour leur accueil et leur confiance tout au long de l’organisation de cette journée. L'événement faisait écho à l’exposition "Les objets trouvés dans la Seine", actuellement présentée à la crypte archéologique. Si vous ne l'avez pas encore découverte, il est encore temps ! (On y retrouve même un ex voto de la collection de Yan Tomaszewski).
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