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La "Liste rouge" : baromètre de l’UICN sur les espèces menacées

Pour préserver la diversité de la faune et de la flore à travers le monde, il est important de connaître l’état de santé précis de chaque espèce, de surveiller l’évolution des menaces et d’identifier les priorités d’actions : c’est l’objectif de la Liste rouge des espèces menacées de l’UICN.




Entretien avec Florian Kirchner, responsable "espèces" du Comité français de l’UICN. Il coordonne en particulier la réalisation de la Liste rouge des espèces menacées en France, élaborée avec tout un réseau de naturalistes et de scientifiques et participe à la sensibilisation autour des enjeux de biodiversité et de préservation des espèces. Il a rejoint l’équipe pédagogique de la sixième édition du procès simulé de Wild Legal.


Qu’est-ce que la Liste rouge ?


Florian Kirchner : La Liste rouge de l’UICN constitue l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation des espèces végétales et animales. Elle s’appuie sur une série de critères précis pour évaluer le risque d’extinction de milliers d’espèces. Ces critères s’appliquent à toutes les espèces et à toutes les parties du monde.


Fondée sur une solide base scientifique, elle est reconnue comme l’outil de référence le plus fiable pour connaître le niveau des menaces pesant sur chaque espèce. A partir des données de terrain disponibles et de l’expertise des spécialistes, son but essentiel est de recenser les espèces menacées, d’identifier les priorités de conservation et de guider les politiques et les stratégies d’action pour enrayer la disparition des espèces.


La Liste rouge permet de répondre à des questions telles que :

• Dans quelle mesure telle espèce est-elle menacée ?• Par quoi telle ou telle espèce est-elle spécialement menacée ?• Combien y a-t-il d’espèces menacées dans telle région du monde ?• Combien a-t-on dénombré de disparitions d’espèces ?


Comment la Liste rouge est-elle établie ?


FK : Dans le système de la Liste rouge, chaque espèce peut être classée dans l’une des neuf catégories suivantes : Éteinte (EX), Éteinte à l’état sauvage (EW), En danger critique (CR), En danger (EN), Vulnérable (VU), Quasi menacée (NT), Préoccupation mineure (LC), Données insuffisantes (DD), Non évaluée (NE).


La classification d’une espèce dans l’une des trois catégories d’espèces menacées d’extinction (CR, EN ou VU) repose sur une série de critères quantitatifs, basés sur différents facteurs biologiques associés au risque d’extinction, en particulier : l’effectif de la population, le taux de déclin, la superficie de l’aire de répartition géographique, le degré de fragmentation de la répartition. D’autres critères qualitatifs interviennent également en complément.


Lors du processus d’évaluation, la situation de chaque espèce est examinée au cas par cas en croisant nécessairement : l’ensemble des données de terrain et des informations scientifiques disponibles, l’expertise d’un groupe de spécialistes reconnus, les critères de référence définis par la méthodologie de l’UICN. En conclusion de l’examen collégial, une catégorie est attribuée par consensus parmi les membres du panel de spécialistes.


Sur quelles bases repose l’évaluation des requins ?


FK : Pour les requins, les raies et les chimères (qui forment l’ensemble des poissons cartilagineux ou "chondrichtyens"), le réseau mondial d’experts mobilisé par l’UICN est le "Shark Specialist Group". Il réunit plus de 230 spécialistes du monde entier, qui évaluent régulièrement l’état de santé de toutes les espèces pour tenir à jour la Liste rouge.


Pour chacune des espèces, les experts cartographient sa zone de présence, estiment ses effectifs, évaluent son taux de déclin éventuel et recensent toutes les menaces à l’œuvre. Comme beaucoup de requins parcourent de longues distances et présentent une large aire de répartition, ils ne peuvent généralement pas être classés sur le critère d’une répartition restreinte. Pour beaucoup d’espèces, les effectifs totaux sont également difficiles à estimer avec précision. Mais les observations répétées en mer, les suivis scientifiques au fil du temps et les données des captures de pêche (volontaires ou accidentelles), permettent généralement de calculer une estimation rigoureuse du taux de déclin de chaque espèce sur une durée standard de trois générations. C’est donc ce critère qui est le plus souvent utilisé : lorsque le déclin calculé atteint les seuils critiques définis par la méthodologie, alors l’espèce se classe dans l’une des catégories d’espèces menacées.


Quelle est la situation des requins dans le monde ?


FK : Grâce aux efforts menés ces dernières années, la quasi-totalité des requins connus et des espèces apparentées ont été évalués dans le cadre de la Liste rouge mondiale. Sur les 1253 espèces examinées, les résultats montrent qu’au moins 401 sont menacées. Si l’on affine l’estimation en incluant les espèces pour lesquelles les données manquent encore et qui pourraient vraisemblablement être menacées, la Liste rouge de l’UICN estime à ce jour que 37% des requins, raies et chimères sont menacés d’extinction dans le monde.


Parmi ces espèces, par exemple, le Grand requin-marteau, le Requin-marteau halicorne et la Grande raie-guitare sont classés "en danger critique" (CR), le Requin-taupe bleu est classé "en danger" (EN), le Requin-bouledogue "vulnérable" (VU) et le Requin-tigre "quasi menacé" (NT).


En raison des multiples menaces auxquelles ils font face, en particulier leur surexploitation par la pêche et la dégradation de leurs milieux de vie, les requins connaissent un niveau de déclin alarmant dans le monde. Les actions et les politiques de gestion mises en œuvre à ce jour sont encore nettement insuffisantes pour assurer leur préservation.


Dans le même temps, face aux drames humains tragiques qui ont eu lieu ces dernières années, particulièrement en outre-mer, le Comité français de l’UICN a publié une position en mars 2022 appelant à une meilleure anticipation du risque et au renforcement indispensable des politiques de prévention. De l’avis des scientifiques œuvrant à la sauvegarde de la biodiversité et du fonctionnement vital des océans, il s’agit d’accentuer le déploiement des mesures connues et éprouvées ayant montré leur efficience, pour concilier la prévention efficace des risques pour la sécurité humaine et la protection de ces espèces essentielles à la bonne santé de la vie marine.


Quelles pistes d’évolutions juridiques pour l’avenir ?


FK : Parmi toutes les pistes actuellement explorées, le Comité français de l’UICN soutient en particulier la poursuite des réflexions sur la construction de nouveaux régimes juridiques adaptés aux droits de la Nature, notamment pour les entités naturelles. En ce sens, il encourage les expérimentations menées pour des cas pilotes et la diffusion des initiatives inspirantes, pour prendre davantage en considération les intérêts et les besoins des entités naturelles, comme les requins et les autres espèces marines. 



Les compléments de Wild Legal :


D’autres évolutions nourrissent les réflexions sur l’attribution de la personnalité juridique et des droits de l’Océan, des milieux marins et des entités qui le composent.


Il en est ainsi de la loi spéciale des Galápagos pour la réserve marine en Équateur qui, sur la base du texte constitutionnel, confère à tous les citoyens et à la Nature le droit de vivre dans un environnement protégé. En application de ce texte, la pêche industrielle et les atteintes aux requins dans l'archipel ont été totalement interdites afin de protéger le milieu naturel et maintenir l'écosystème avec une “interférence humaine minimale”.


Cette nouvelle trajectoire juridique offre les garanties d’une cohabitation plus harmonieuse. Elle présente l’avantage de préserver les intérêts de l’ensemble du vivant tout en permettant le développement d’activités économiques compatibles avec le cycle de vie des espèces.


Tel est en tout cas l’enseignement à tirer de la récente décision du juge constitutionnel équatorien en date du 28 novembre 2024. Sur ces sujets, voir le panorama international des initiatives pionnières rédigé par Wild Legal :  https://www.wildlegal.eu/post/publication-fascicule-pour-les-droits-de-locean




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