Imaginez ces “méga-bassines” construites par les exploitants de monocultures de maïs, ces milliers de petits et grands barrages hydroélectriques qui morcellent la continuité écologique des cours d’eau empêchant les poissons de se déplacer, nos glaciers -ces irremplaçables réserves d’eau douce- qui fondent progressivement sous l’effet du réchauffement climatique dû à la combustion d’énergies fossiles ou encore ces rejets industriels qui polluent et affectent la bonne santé de nos rivières et de nos fleuves… Toutes ces activités et ces infrastructures qui pillent et détruisent méthodiquement nos écosystèmes aquatiques sont, pour la plupart, parfaitement légales. Elles sont le visage d’une société industrialisée, extractiviste, indifférente aux capacités de renouvellement du cycle de l’eau.
En ce 22 mars, journée mondiale de l’eau, nous lançons un appel à rejoindre le mouvement des Gardien-nes des droits des fleuves et des rivières.
Conscient que le droit actuel ne permet pas de protéger efficacement nos fleuves, nos rivières ainsi que l’ensemble des corps aquatiques menacés dans nos territoires, il est temps de nous doter de lois capables de tourner la page de l'Anthropocène pour entrer dans le “Symbioscène”, décrit par le philosophe Glenn comme l’ère où les sociétés humaines vivent en bonne intelligence avec les autres-que-humains.
De par le monde, des révolutions juridiques se mettent en place pour trouver des solutions systémiques à la dégradation des milieux naturels, grâce à la création de nouvelles règles de droit pour protéger le lien qui nous unit au Vivant. Toutes ont un objectif commun : la reconnaissance des droits de la nature, et notamment ceux des écosystèmes aquatiques.
En Nouvelle Zélande, le Parlement a reconnu en 2017 une personnalité juridique au fleuve Whanganui qui dispose désormais de deux gardiens - un nommé par la communauté Maori et un par le gouvernement. En Colombie, la Cour suprême a, dans une décision historique de 2018, reconnu les droits du fleuve Atrato à être protégé face aux ravages de l’extraction minière. La justice a ainsi ordonné la création d’une commission de gardiens issus des communauté locales pour élaborer avec l’Etat une politique de restauration et de préservation de cet écosystème. Il ne s’agit là que de deux exemples emblématiques parmi la liste toujours plus longue des États qui sautent le pas.
En France aussi, le nombre de territoires d'expérimentation ne fait que croître et l’association Wild Legal s’engage aux côtés des citoyen-nes qui souhaitent rejoindre ce mouvement en leur donnant toutes les clefs pour s’investir pleinement dans leur rôle de Gardien-nes du Vivant.
C’est pourquoi, l’association Wild Legal organisait le samedi 5 février dernier une journée de formation pour les Gardien-nes des fleuves et des rivières, destinée aux habitant-es de la Seine. Une première rencontre organisée à Rueil Malmaison, qui a permis aux participant-es de tout apprendre du mouvement pour les droits de la nature et du rôle des Gardien-nes du Vivant avec Marine Calmet, juriste spécialiste des droits de la Nature, présidente de l’association Wild Legal et Christophe Mandereau, ingénieur œuvrant à la protection du grand cycle de l'eau.
Les ateliers de réflexion appliqués à la Seine en tant qu’écosystème à défendre ont permis d'identifier les lieux et les formes de menaces affectant le bassin versant. Grâce aux habitant-es, véritables vigies du fleuve, une cartographie a été dressée : aménagement urbain, pollution plastique, rejets industriels…
Les menaces sur le réseau hydrique sont nombreuses.
Avec les gardiennes et gardiens réunis, nous avons ainsi pu mettre en évidence les droits de la Seine directement impactés par les activités humaines et notamment son droit à circuler librement, à ne pas être polluée et le droit au respect de sa biodiversité, comme inscrit dans la Déclaration Universelle des droits des fleuves et rivières écrite par le Earth Law Center, un centre de recherche étasunien fondé en 2008 dans le but de promouvoir le mouvement des droits de la nature. S’inspirant des différentes décisions de personnification de fleuves adoptées dans le monde, elle établit notamment une liste de droits fondamentaux qui devraient, au minimum, être reconnus à tous les cours d’eau. Cette déclaration est aujourd’hui soutenue par plus de 100 organisations issues d’une vingtaine de pays différents, dont l’association Wild Legal.
Mieux protéger à l’avenir les droits de la Seine et des écosystèmes aquatiques partout en France, c’est aussi repenser la gouvernance des nos fleuves et de nos rivières. Le constat est que la liste des acteurs, institutions ou collectivités impliquées dans la “gestion” de l’eau est longue et qu’il est donc nécessaire de construire ensemble une nouvelle dynamique pour faire entendre la voix du fleuve et pour garantir la protection de ses droits fondamentaux ainsi que la participation des habitant-es. Cette première cartographie des acteurs du bassin versant a pour ambition de formuler des propositions concrètes pour structurer un conseil des Gardien-nes de la Seine, inspiré des nombreux exemples qui ont déjà vu le jour en Nouvelle Zélande, aux USA, en Colombie et ailleurs.
Et bien d’autres étapes se profilent déjà :
un projet de déclaration pour les droits de la Seine
une communauté qui se relie et qui grandie
une vision sur le long terme
L'intelligence collective a montré toute sa puissance au service du commun : notre fleuve, la Seine, ses berges sur lesquelles notre civilisation s'est installée, au fil de l'histoire, au fil de l'eau...
La vidéo de cette formation est à retrouver ici et en ligne sur la page Youtube de l’association.
D'autres rencontres seront bientôt organisées sur la Seine et ailleurs !
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