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Journal de rivières... Voyage en Savoie et Haute-Savoie

Dernière mise à jour : 4 nov. 2022


Cet article est une page du journal de bord d'une expérimentation grandeur nature pour les droits des rivières sauvages en France !

Du 11 au 13 juillet, Wild Legal et l'Association du Réseau des Rivières Sauvages (ARRS) se sont rendues dans les départements de Savoie et de Haute-Savoie. Leur but ? Aller à la rencontre des cours d’eau de montagne... et de leurs gardien·nes. Le contexte


En 2021, Wild Legal et le Réseau des Rivières Sauvages ont décidé de lancer un programme d'expérimentation sur plusieurs sites de rivières labellisées en France, afin de mettre en lumière l'impact de la reconnaissance des droits de la nature pour mieux protéger ces écosystèmes et revoir les processus démocratiques impliquant les citoyen·nes dans la préservation des milieux aquatiques. Six sites pilotes se sont lancés dans cette aventure, que nous avons choisi de vous faire vivre à nos côtés.


Sur les traces du Chéran et du Nant Bénin


Dans la région alpine, la période estivale est un moment crucial pour les rivières, menacées par le réchauffement climatique. Les glaciers fondent, les températures augmentent et le cycle de l'eau s'en retrouve perturbé.


Au cœur de nos échanges avec les institutions, les associations et les habitant·es : éviter les conflits usages de l'eau, protéger les habitats des poissons, encadrer les besoins hydro-électriques et les captages, retisser une relation entre les habitant·es et la rivière ou encore inventer une nouvelle gouvernance respectueuse des équilibres du vivant.



LUNDI 11 JUILLET 2022 : DÉPART VERS LA HAUTE SAVOIE

7H52 : Départ de Paris.

12H30 : Arrivée à Cusy. Nous rencontrons sur place Jean-François Lopez, Directeur adjoint du Parc Naturel Régional du massif des Bauges, Agnès Barillier, vice-présidente du Syndicat Mixte Interdépartemental d'Aménagement du Chéran et Pascal Grillet, Secrétaire de l'Association Agréée de Pêche et de Protection des Milieux Aquatiques (AAPPMA) du pays de l'Albanais. C'est sur la terrasse de la cabane des pêcheurs, aux abords du Chéran, que nous discutons deux heures durant des menaces qui pèsent sur cet écosystème sauvage et des solutions à apporter. Ces derniers jours ont été très stressants pour la rivière, l'eau monte en température, le niveau est désormais tellement bas que les poissons se retrouvent coincés dans des poches d'eau éparses. Ils sont pris au piège. Pascal Grillet est allé leur porter secours le matin même, il a pu en sauver 250 qu'il a transférés plus loin, dans une partie de la rivière où l'eau circule encore normalement.

La pression sur cet écosystème aquatique est énorme. Entre les besoins essentiels de la rivière et de ses habitant-es (humains et non-humains) et les divers intérêts liés aux activités économiques -agriculture, élevage, tourisme- il va falloir trouver un équilibre pour désamorcer les conflits d'usage à l'avenir. Que ce soit dans les grosses villes qui se développent non loin d'ici, comme Annecy et Chambéry, mais aussi les plus petits villages en amont sur la rivière, il faut ainsi retisser un dialogue entre tous les acteurs de territoire... sans oublier la nature elle-même, dont la santé ne doit plus être hypothéquée.


C'est en cela que la philosophie des droits de la nature apparaît comme un formidable outil pour intégrer les rivières dans le débat, non plus en tant qu'ensemble de "ressources naturelles" mais en tant qu'entité sujette de droit. Il s'agit ainsi de mettre fin à leur exploitation souvent incompatible avec les limites biologiques et la capacité de régénération de ces écosystèmes. Une situation que n'a pas su contenir le droit de l'environnement actuel. Durant ces échanges passionnants avec les acteurs du territoire, il a été évoqué la possibilité de repenser des espaces de co-construction, comme par exemple un Parlement de l’eau dédié au Chéran. Une instance dont la mission pourrait être de rassembler tous les acteurs locaux et d'intégrer les habitant-es suivant une logique non plus anthropocentrée mais bioperspectiviste (adoptant des perspectives aussi bien humaines que non-humaines dans le débat). Il s'agirait également de former des ambassadeur·rices chargé·es de transmettre auprès du plus grand nombre les problématiques touchant à la préservation du Chéran afin de sensibiliser à la protection des droits et des besoins essentiels de la rivière et de retisser le lien entre celle-ci et les habitant-es.


Nous avons pu à cette occasion réaliser des petits portraits vidéos de ces gardiens sur les berges du Chéran. Ils seront bientôt en ligne.

Pascal Grillet et Jean Francois Lopez


MARDI 12 JUILLET : RENDEZ VOUS À PEISEY-NANCROIX

13h10 : Nous quittons le somptueux village du Châtelard afin de nous rendre à Peisey-Nancroix, où nous avons rendez-vous avec Isabelle Desse, présidente de l'association Nant Sauvage. Grâce à son association qui a œuvré pour obtenir la labellisation du ruisseau, un projet de centrale hydro-électrique sur le Nant Bénin a été abandonné en 2016. Aujourd'hui, c'est le torrent Ponturin qui se trouve menacé par un nouveau projet.


Isabelle, comme Jean-Luc Grognet, Président de l’Association Agréée de Pêche et de Protection des Milieux Aquatiques La Gaule de l'Ormente et Pierre Astier, Président de l'Association de pêche des lacs de montagne, sont activement engagés pour la défense de ces rivières.


Avec Denis Caudron, coordinateur du Réseau Rivières Sauvages qui nous a rejoint, nous nous rendons à la mairie de Peisey-Nancroix où Guillaume Villibord, le Maire et Maryse Jovet, Première Adjointe nous font l'honneur de nous accueillir. Nous présentons aux élu-es les victoires que connaît le mouvement des droits de la Nature dans le monde, sa philosophie et les outils qu'il propose. A leur tour, nos interlocuteurs nous exposent les enjeux auxquels ils sont confrontés : difficulté à entretenir le cours d'eau, surtout sur les parcelles privées, raréfaction de l'eau et enjeux culturels locaux (sensibilisation des enfants et des habitant-es à la préservation de la rivière).


Les échanges sont encourageants. Les élu-es municipaux avancent la possibilité de travailler sur le Plan Local d'Urbanisme (PLU) afin d'y intégrer les droits du Nant Bénin. D'autres pistes, telles que la création d'une aire éducative sur la rivière est évoquée pour sensibiliser les futures gardiennes et gardiens et leur confier ainsi des responsabilités directes dans la préservation de leur écosystème.

Après cet échange très riche, nous allons passer la nuit dans le village des Lanches, qui offre une vue à couper le souffle sur les montagnes et le glacier du Mont-Pourri.


En temps normal, même à cette période, la couleur blanche du glacier s'étend sur toute la face ouest du sommet du Mont-Pourri. Cette année - pour la première fois, nous expliquent les habitant-es du village - on n'aperçoit que de petites tâches blanches, séparées par de larges escarpements rocheux. Ici, comme aux quatre coins du monde, la fonte des glaciers est la conséquence directe du dérèglement climatique.


Durant l'été 2022, le glacier de la Marmolada (Italie) s'est effondré et le mythique bivouac de la Fourche, perché à plus de 3500 mètres d’altitude dans le massif du Mont Blanc a chuté de sa base rocheuse, devenue trop instable.



MERCREDI 13 JUILLET : MARCHE SAUVAGE AUX ABORDS DU NANT BÉNIN 9H00 : Nous retrouvons Isabelle Desse et les membres de l'association Nant Sauvage, Jean-Luc Grognet et Pierre Astier pour une balade à la découverte du Nant Bénin. Ce cours d'eau secret est remarquablement bien préservé. Même s'il n'est pas connu de tous (il est caché une bonne partie de l'année sous la neige de montagne), la plupart des personnes qui habitent dans les environs y sont fortement attachés, nous explique en substance Isabelle Desse.


Le torrent du Nant Bénin


Avoir réussi à obtenir le label Rivières Sauvages est une première étape dans la protection de ce joyau de la nature. Pour Isabelle Desse, il s'agit aussi pour la rivière "du droit d’être reconnu comme quelque chose à préserver. C’est quelque chose d'exceptionnel quand même un torrent qui est en aussi bon état. Parce qu’il n’y en a plus beaucoup dans les Alpes. Il y a énormément de torrents qui sont captés."


À terme, le programme d'expérimentation porté par Wild Legal et le Réseau Rivières Sauvages espère montrer que les outils offerts par le mouvement des droit de la Nature permet à la fois un renforcement de la protection des cours d'eau, mais aussi à une meilleure gouvernance pour inclure durablement les gardiennes et gardiens du vivant dont l'engagement permet de préserver ces écosystèmes essentiels.


Notre ambition : expérimenter localement puis répliquer partout en France, les enseignements de ce programme, pour que les habitant-es, les associations, les institutions et les élu-es puissent se saisir des droits de la nature à leur échelle.


“Les petits et grands ruisseaux qui se jettent les uns dans les autres forment un seul fleuve” (adage Māori)


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Vous souhaitez rejoindre l'expérimentation ou simplement avoir plus d'information : contact@wildlegal.eu

Isabelle Desse, Marine Calmet et Denis Caudron 🍃 Nous adressons de nouveau nos remerciements aux sites pilotes du Chéran et du Nant Bénin pour leur participation à ce projet et à la défense du Vivant !

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